On vous présente... Lydie
Au sein de CABASA, Lydie joue un rôle majeur dont celui de questionner chacune de nos initiatives, ce qui nous pousse à définir avec plus de précisions les contours de nos actions. Femme engagée, elle a créé le collectif “Auguste et les autres” autour de la problématique de la survenue précoce de troubles neurocognitifs.
Je pense que tout le monde devrait pouvoir se pencher sur cette question parce qu’il s’agit de la façon dont plus globalement, en tant que société, nous considérons et traitons nos aînés qui ont cette vulnérabilité liée à une maladie neurodégénérative.
Peux-tu te présenter ?
Oui, je m’appelle Lydie. J’ai 55 ans et je suis née à Liège, mes parents s’y sont rencontrés et s’y sont mariés et j’y ai fait une bonne partie de mes études. Je suis indépendante depuis bientôt 14 ans : j’ai une formation en communication et un master en gestion culturelle qui m’a permis de réorienter ma carrière. J’ai toujours aimé oeuvrer dans des domaines très différents : je suis un peu ‘caméléon’. Ainsi, je travaille pour des artistes des arts de la scène avec notamment une étroite collaboration avec la compagnie de la Bête Noire. Par ailleurs, je suis aussi formatrice-coach pour une structure nommée YouthStart qui organise des modules de formation de 8 jours destinés à des jeunes adultes en décrochage, qui sont sans emploi et sans diplôme.
Comment as-tu connu CABASA ?
J’ai connu CABASA parce que j’étais dans une recherche de projets existants ou en construction d’habitats alternatifs pour des jeunes personnes atteintes de troubles neurodégénératifs, étant moi-même concernée par la question avec un de mes proches. De fil en aiguille, les intervenants que j’ai pu contacter par téléphone ou par mail m’ont parlé de CABASA et de ses 3 porteurs du projet initial. Après avoir eu un premier échange email, je me suis rendue à une première présentation et ai décidé de m’investir. J’ai donc fini par suivre ce projet de plus en plus près jusqu’à rejoindre l’équipe de CABASA.
Un petit mot à propos du collectif “Auguste et les autres’’ que tu as créé…
La création de ce collectif, c’était d'abord un drapeau pour dire qu’il y avait des familles qui souffrent des conséquences de l’absence de dispositifs pour la prise en charge des troubles neurocognitifs majeurs de forme précoce dont est atteint l’un des leurs. Des jeunes patients alzheimer, des jeunes malades à corps de Lewy, etc. Au moment de mes premières recherches à ce sujet, je ne trouvais pas de plateforme côté francophone parlant des besoins spécifiques non rencontrés par les patients jeunes et par leur famille. Les interlocuteurs officiels et les intervenants avec lesquels j'étais en contact me demandaient de quelle association je faisais partie. S’il fallait une association pour recevoir les réponses à mes questions, je pouvais bien la créer. C’est ainsi qu’est né en 2021 le Collectif Auguste et les autres.
Son nom est composé du prénom de la patiente qui a permis au docteur Alois Alzheimer d’identifier la maladie d’Alzheimer. Auguste était jeune, elle avait 51 ans lorsque le neurologue se penche sur son cas, et les autres, ce sont tous ces diagnostiqués à un âge précoce dont on ne parle pas. Ensuite, le Collectif s’est associé avec Esenca pour réaliser une recherche participative - avec d’autres familles qui se sont rapprochées du Collectif - autour des besoins non rencontrés par les personnes jeunes concernées par ces pathologies. Suite à la présentation de notre cahier de revendications rédigé dans le cadre de cette recherche, j’ai eu pas mal de soutien et d’enthousiasme. On m’a dit : ‘’franchis le pas !” et le Collectif est devenu une asbl officielle en 2023.
Toi, tu parles de handicap neurocognitif ? Comment le définirais-tu et pourquoi utilises-tu le terme handicap ?
En fait, le handicap neurocognitif désigne le dysfonctionnement que rencontre une personne pour la réalisation des actes de la vie quotidienne, en raison de troubles de la cognition. Il en résulte une perte d’indépendance et d’autonomie. L’intervention d’une tierce personne devient indispensable pour vivre tout simplement. Avant l’âge de 65 ans, la personne peut demander la reconnaissance de son handicap au niveau fédéral. Pourtant, paradoxalement, ce handicap ne rencontre pas de réponse en termes de prise en charge en journée ou d’offres de logement accompagné. Les personnes jeunes atteintes de troubles neurocognitifs sont orientées vers des solutions développées pour les séniors qui sont inadaptées.
Quand ces personnes ne peuvent plus travailler en raison de l’évolution de leur maladie, à la suite d’un renvoi ou d’une incapacité de travail, elles perdent leurs revenus. Ce qui n’est pas le cas d’une personne âgée touchée par la maladie d'Alzheimer, qui, elle, n’a plus de charge de famille ou de responsabilités financières tel que le remboursement d’une maison ou le soutien à des enfants qui font des études ou qui démarrent dans la vie. Ces personnes dans la force de l’âge perdent un salaire ou une partie substantielle de cette source de revenus, alors que petit à petit de nouvelles charges vont peser en raison de frais médicaux, paramédicaux, les frais du maintien à domicile. Les allocations versées pour le handicap et les indemnités maladie sont insuffisantes pour pouvoir faire face financièrement. Un conjoint ou un membre de la famille doit souvent intervenir.
On peut imaginer l’impact financier important…
Les maladies neurodégénératives coûtent très cher, dans la mesure où l’accompagnement et la prise en charge concernent quelqu’un qui perd plusieurs de ses facultés dont celle de pouvoir fonctionner de manière autonome. C’est-à-dire des choses très basiques comme s’habiller, se faire à manger,... Pouvoir rester à la maison devient un enjeu quand on ne peut plus fonctionner dans un terrain qui est pourtant familier. Il y a des problèmes de mémoire, d'orientation... Ces troubles vont être plus ou moins sévères en fonction de la maladie spécifique et en fonction du degré d’atteinte de la personne mais de toute façon, ce sont des troubles qui sont appelés à évoluer de manière délétère. Chez la personne jeune, la particularité de ces troubles est d’être plus sévères et plus atypiques.
Qui dit plus atypique, dit plus difficile à diagnostiquer, on peut imaginer…
Oui parce que, par exemple, la perte de mémoire est davantage au premier plan chez la personne âgée que chez une personne plus jeune, où il y a d’abord un changement de personnalité, une apathie,... Elle va se replier sur elle-même ou va avoir des difficultés à utiliser des objets ou à planifier. Encore une fois ça dépend de la maladie mais bien souvent, on va observer des troubles différents de la personne âgée et donc il va y avoir davantage d’errance diagnostique chez ces personnes plus jeunes.
Est-ce que le fait qu’un de tes proches soit touché par ce type de maladie a été ton unique motivation à rejoindre CABASA ?
Non. Avant de rejoindre CABASA, j’avais déjà eu un contact avec les Maisons Partagées du Nouveau Chapitre. Pour moi, il fallait que je puisse soutenir ce type de démarches et de prises en charge alternatives comme un engagement citoyen fort, quitte à être dans un engagement, et s'investir dans l’associatif. Je pense que tout le monde devrait pouvoir se pencher sur cette question parce qu’il s’agit de la façon dont plus globalement, en tant que société, nous considérons et traitons nos aînés qui ont cette vulnérabilité liée à une maladie neurodégénérative.
Dans le collectif CABASA, il y a différents profils aux expertises variées qui s’engagent plus particulièrement sur l’un ou l’autre aspect de notre mission. Quel rôle joues-tu au sein de notre association ?
J’interviens dans le groupe de travail INNOVATE, qui se penche sur les éléments de construction du projet. J’en suis un maillon et me penche sur la question du plan financier principalement. D’autres expertises, notamment celle liée à l’immobilier, sont détenues par d’autres membres. L’intervention de chacun aboutit à une boule de talents variés et complémentaires.
Pour te découvrir un peu plus et mieux comprendre ce que tu impulses au collectif, quelle est la citation qui t’anime et que tu aimerais partager avec nous ?
J’en ai plusieurs et je dirais qu’elles évoluent avec le temps. Je dirais “Sky is the limit”; mais ça c’est un peu celle qui me porte au quotidien. C’est une façon de dire qu’il n’y a pas de limites à part celles que l’on se pose. C’est une façon de me motiver chaque jour dans le sens où elle me fait me rappeler qu’on peut toujours aller un peu plus loin et que tout peut être amélioré.
L’autre, plus longue, est de moi :-) Je l’ai écrite après le décès d’un monsieur qui était atteint d’une maladie neurodégénérative. C’est “J’oublierai… la verve et le verbe me manqueront mais vous, n’oubliez pas… que mes émotions resteront intactes… que le respect de mes droits n’est pas négociable. Soyez vigilants à ma douleur. Soyez sensible à mes pleurs. Soyez présents dans mes peurs. Ne parlez pas en mon nom. Mais soyez ma voix.”
Un espoir, un rêve pour CABASA ?
De concrétiser le projet @home : c’est l'objectif le plus important. Avant cela, il faut convaincre et trouver des partenaires et des financements. L'objectif est clairement de changer le paysage bruxellois en proposant un service à dimension humaine et à petite échelle qui respecterait et prendrait en charge les personnes atteintes de ces fragilités neurocognitives avec toute la dignité, l’expertise mais avec une dimension humaine qu’on ne retrouve pas dans toutes les structures institutionnelles. Même s’il y a dans ces structures des personnes qui sont très humaines qui accompagnent avec beaucoup de vigilance, le modèle actuel doit évoluer. J’espère qu’il va y avoir un bon gros coup de pouce et qu’il y aura des partenaires, des collaborateurs et des gens sensibilisés qui vont permettre à CABASA de concrétiser le projet. Il est temps !
Petit coup de pouce au sein de l'équipe 🤗 Il y a plein de talents au sein de l'équipe CABASA. Chacun des membres du collectif incarne l'ADN de la future maison @Home. Lydie a créé le Collectif Auguste et les autres, une association de familles concernées par la problématique de la survenue précoce de troubles neurocognitifs Elle soutient et accompagne les personnes atteintes par ces pathologies, et leurs proches, en proposant des activités de loisir et l'aide à la recherche d'informations. Parallèlement, le Collectif interpelle les responsables politiques et les professionnels pour faire évoluer la prise en charge et l'accompagnement du public qu'elle représente. Vous désirez en savoir plus sur ce projet ? Suivez l'actualité du Collectif Auguste et les autres sur sa page Facebook. |