Nos réflexions - Les lieux de vie partagés et l’autodétermination
06/09/2023
Nos Réflexions
Tout lieu de vie habité est en constante transformation par l'investissement continu de ses habitants ou par l’apport des nouveaux arrivants qui vont y résider. Davantage qu’un lieu de soins, un lieu de vie permet en effet au nouvel habitant, même s’il souffre de troubles cognitifs, de s’approprier le lieu par l’expression de sa singularité et de ses compétences. C’est ce qu’on appelle l’autodétermination : elle nécessite une bonne gestion des risques et une constante mise en question encadrée de la vie communautaire.
S’approprier un lieu de vie
Par autodétermination, on désigne la façon toute singulière d’habiter un lieu et donc de se l’approprier par un habitant, Et comment ce dernier va en faire un “chez-soi” pour se retrouver en accord avec lui-même. Ce lieu étant par ailleurs déjà habité avant même l’arrivée d’un nouvel occupant. Ces premiers habitants occupent le lieu avec leurs désirs, leurs compétences propres, leurs besoins, etc. Les soignants éventuels qui habiteraient, eux aussi, le lieu pourrait certes y intervenir avec leurs compétences et leurs expériences propres mais en aucun cas en déterminer la fonction. Si l’habitat devenait un lieu de soins, le nouvel habitant ne serait perçu qu’à travers ces pathologies et perdrait ainsi une part conséquente de son autonomie dans la façon dont il va occuper et s’approprier le lieu. Au même titre que les jeunes soignants en formation ou que d’autres habitants qui rendent des services spécifiques aux autres habitants, les habitants avec troubles cognitifs ont, eux aussi, des compétences à mettre en valeur ou à laisser s’exprimer s’ils le souhaitent. Ce qui leur permettra d’habiter pleinement le lieu. Ainsi, l’habitat est donc un lieu de vie avant d’être un lieu de soins où on privilégie la qualité de vie avant la qualité des soins.
Entre désirs et risques
L’autodétermination passe donc par l’attention accordée aux désirs de l’habitant (besoin<> désir), et l’expression libre de ces derniers. Elle nécessite de la part du personnel encadrant une bonne gestion des risques (risque de chute, risque de se perdre, etc.). Il s’agira de prendre le temps de la réflexion quant aux mesures (architecturales ou autres) qui peuvent prévenir les risques encourus, tout en maintenant au plus haut degré la faculté d’autodétermination de l’habitant. Par exemple, on mettra en place des conditions afin que l’, habitant n’ait pas envie de fuir ou au moins que sa fugue ne pose pas de problème. Inclure l’entourage et ses désirs Bien que les proches et familles des habitants ne soient pas habitants eux-mêmes, il importe de prendre en compte leurs désirs également. Ces désirs, ayant parfois tendance à s’imposer, nécessitent une gestion particulière. Dans certains cas, les proches peuvent être désignés comme responsables de l’habitant et être amenés à prendre les décisions le concernant. Il convient donc de proposer une écoute et un accueil des désirs des proches et des familles. Accueillir la dynamique du lieu En conclusion, rien ne devrait s’imposer à l’habitant : il s’agit plutôt d’aller à la rencontre de son désir pour lui permettre d’habiter le lieu. Bien entendu, on ne sait pas tout prévoir ni prévenir tous les problèmes : le lieu est dynamique, et vivant, c’est-à-dire qu’il se laisse modifier par les habitants. Le lieu s’adapte à chaque nouvel habitant qui a la possibilité de le transformer et donc de se l’approprier, dans le respect des autres habitants et avec les autres habitants. Pour aller plus loin : « Les multiples face du pouvoir d’agir à l’épreuve du vieillissement » de Jean-François Bicket et Valérie Hugentobler, in Gérontologie et société , n°157, vol 40/2018, pp. 11-23.