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Nos réflexions - La vieillesse... Tentative de définition

09/05/2024

Le grand âge ne se réduit pas à un nombre d’années. La biologie ne suffit pas non plus à le circonscrire, même si la médecine en a fait une spécialité. La vieillesse est un vécu subjectif qui fait rupture avec le passé, et qui nécessite chez le sujet âgé de restaurer une continuité.

Quand devient-on vieux ?

L’Organisation Mondiale de la Santé estime qu’une personne est considérée comme âgée à partir de 60 ans. Cela peut paraître bien jeune dans notre contexte de vie occidental. Par ailleurs, la disparité entre les individus est telle qu’il semble incongru de circonscrire la vieillesse à un âge spécifique.

Vieillesse ou vieillissement

Il faut d’emblée distinguer vieillesse et vieillissement. Le vieillissement n’est pas l’apanage des personnes âgées : il commence à la naissance et se termine à la mort. « Vieillir, c’est en effet perdre, ne serait-ce que l’instant possédé. » écrivait Lévinas1. De ce point de vue en effet, le vieillissement s’instaure dès l’instant où le sujet temporel s’engage dans l’instant qui suit. Autrement dit, à tout moment.

Le point de vue de la science

De même en biologie, la sénescence désigne la diminution progressive de l’aptitude à la régénération cellulaire, ce qui entraîne à son tour une lente dégradation des fonctions organiques. Ainsi donc, le grand âge se caractérisait par un état avancé de dégradation cellulaire. 

Mais est-ce pour autant suffisant ? En médecine en effet, il existe une maladie, la Progéria, qui désigne une accélération du vieillissement des cellules du corps humain et une diminution de leur aptitude à se régénérer. La littérature scientifique cite le cas d’un enfant âgé de 10 ans ayant toute l’apparence d’une femme de 90 ans. Est-ce pour autant que l’on va dire de cet enfant de 10 ans qu’il est vieux ? D’un point de vue biologique sans doute, mais d’un point de vue subjectif ?

La médecine, encore elle, a fait de la vieillesse une spécialité : la gériatrie². Les patients concernés répondent à ce qu’on appelle un profil gériatrique. Et pourtant bon nombre de personnes admises dans ces services hospitaliers spécialisés ne s’y retrouvent pas et se demandent ce qu’elles font parmi tous ces vieux…

La vieillesse est une expérience subjective radicale

Disons-le tout de suite, la vieillesse est donc avant tout une expérience subjective. Et c’est de cette façon sans doute que l’on peut au mieux décrire à quoi elle correspond. 

Elle se manifeste parfois par à-coups, progressivement.  Mais peut aussi dans certains cas se présenter de façon brutale et faire rupture dans le décours d’une vie : c’est ainsi qu’elle est relatée par la plupart des sujets âgés. Elle se distingue du vieillissement en tant qu’elle est une étape décisive et radicale dans le décours du vieillissement normal. « Rien ne devrait être plus attendu, rien n’est plus imprévu que la vieillesse », écrit Simone de Beauvoir dans son ouvrage consacré à cette thématique. « Quand la vieillesse vous tient, c’est toujours de façon inattendue » affirme à son tour Maud Mannoni. Une dame âgée disait aussi : « Devenir vieux, ça vient brutalement, contrairement à ce qu’on croit. On croit, quand on est jeune, qu’on a le temps de s’y préparer, mais pas du tout ! On ne devient pas vieux, il y a un moment où l’on se dit : « je suis vieux ! ». 

Rester soi-même sans rester le même

A l’hôpital, les patients rappellent régulièrement aux soignants l’évènement majeur que constitue la découverte de leur propre vieillesse, par exemple lors d’une chute qui provoque une fracture du col du fémur. La fracture, la cassure, le morcellement sont autant de façons de rendre compte sur le plan psychique de la rupture de continuité vécue lors de la confrontation avec la vieillesse. Ce qui fait dire à Danielle Quinodoz qu’au grand âge, il s’agit de « rester soi-même sans rester le même ».

Cette confrontation radicale à la vieillesse ne se réalise pas toujours lors d’une expérience majeure : elle se manifeste également lors d’un événement a priori de moindre importance. Par exemple lors du départ d’un enfant à l’étranger, ou encore la fermeture d’une agence bancaire qui nécessite en conséquence l’usage laborieux des nouvelles technologies. Comme la goutte qui fait déborder le vase déjà bien rempli des difficultés latentes. 

Pour conclure

La vieillesse ne se réduit donc pas à des théories scientifiques et ne peut correspondre à un âge bien spécifique. Elle est un vécu subjectif, influencé par les événements de vie, plus ou moins brutaux, qui font parfois rupture par rapport au vécu antérieur. Les intervenants auprès de personnes paraissant âgées ont donc tout intérêt à éviter les amalgames et se garder de vouloir faire correspondre leur perception du grand âge avec le vécu de la personne. Au grand âge, comme à tout âge, c’est une affaire de singularité.

1 Levinas, Emmanuel. Dieu la mort et le temps. Paris, Grasset, 1993.                                                                                                                   

https://geriatrie.be/media/2019/04/vol01_chap02_fr.pdf

 

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